Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/295

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jours-ci, un des premiers jours de vaillance de ma convalescence, j’ai été à Versailles, chez Moser, et j’ai acheté de merveilleux arbustes, qui vraiment d’un coin du jardin font un tableau de coloriste. C’est un thuja elegantissima, cette pyramide pourpre, placée entre deux fusains si panachés, qu’il semblent des arbustes feuillés de blanc ; c’est un juniperus elegans, qui a le ton de vieil or des chrysanthèmes ; c’est un thuja canadensis aurea, dont le branchage semble d’or, quand le soleil joue dedans ; enfin c’est la petite merveille un retinospora obtusa gracilis, un petit arbuste à la forme écrasée des arbres centenaires en pot de l’Extrême-Orient, et qui a quelque chose d’une agglomération de choux de Bruxelles en velours.

Samedi 5 décembre. — Un viveur du grand monde parisien déclarait devant moi, qu’il n’aimait que les filles, et il les exaltait en disant, que ces créatures sorties du trou aux vaches, arrivent à être les maîtresses du goût et de la mode de Paris, et cela par une admirable diplomatie et la plus savante conduite de la vie, sachant qu’elles perdent leur position, rencontrées un maquereau au bras, ou une robe canaille sur le dos. Et leur comparant les femmes du monde, qui entrent dans la vie avec tant d’avantages, il constate que celles qui sont un peu retentissantes, n’arrivent qu’à se déclasser.