Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/298

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nommé comte, et exigerait qu’on l’appelât : « Monsieur le comte. »

Popelin, prévenu qu’il y avait un commencement de bégayement chez Maupassant, ne remarquait pas, cet été, ce bégayement chez le romancier, à Saint-Gratien, mais était frappé du grossissement invraisemblable de ses récits. En effet, Maupassant parlait d’une visite faite par lui à l’amiral Duperré, sur l’escadre de la Méditerranée, et d’un nombre de coups de canon à la mélinite, tirés en son nom et pour son plaisir, coups de canon allant à des centaines de mille francs, si bien que Popelin ne pouvait s’empêcher de lui faire remarquer l’énormité de la somme. L’extraordinaire de ce récit, c’est que Duperré à quelque temps de là, disait à Popelin qu’il n’avait pas vu Maupassant.

Jeudi 10 décembre. — Dîner chez les Daudet, avec Barrès. L’homme a une élégance fluette, élancée, et des yeux d’une douceur charmante.

Il me parle de Nancy, de la maison où je suis né, puis il saute aux journaux de Mlle Bashkintseff, publiés incomplètement, et dont la collection innombrable de petits cahiers lui monterait — par un geste qu’il fait de la main — lui monterait jusqu’à la ceinture : gigantesque confession, où il y aurait en tête une moquerie de la manie de poser de Stendhal, avec toutefois l’aveu que la chose est tentante.