Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/59

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éprouvait une vraie joie, un jour, de réempoigner chez un épicier éloigné, le milieu de la lettre que le savetier était en train de chiffonner.

M. de Lovenjoul parle avec enthousiasme de cette correspondance, qui jointe à d’autres, qu’il avait déjà, est l’histoire intime de la vie de Balzac, regrettant de ne pouvoir encore la publier, parce que Balzac était de sa nature un gobeur, et que les gens qui, à la première entrevue, lui paraissaient des anges, à la seconde ou à la troisième, devenaient pis que des diables, en sorte qu’il est terrible pour ses contemporains.

Elle est aussi peu publiable, sa correspondance, par des allusions à des privautés amoureuses, se passant entre lui et l’objet de son amour, car Balzac, comme on le croit généralement n’avait rien d’un ascète, n’était point un chaste. Et à propos de cet amour M. de Lovenjoul me conte un curieux épisode de cette liaison : l’histoire d’une lettre d’amour écrite par Balzac, que sa maîtresse avait laissée traîner, et que le mari encore vivant avait surprise. Là-dessus Balzac prévenu par la femme, écrit au mari une lettre curieuse, une lettre d’une ingénieuse invention, dans laquelle il dit à M. Hanski, que sa femme l’avait mis au défi de lui adresser une lettre passionnée, dans le genre de celle adressée à Mme X*** dans je ne sais quel roman, et que c’est un pari.

Quant au mariage avec l’écrivain, auquel tout d’abord la grande dame russe n’était pas disposée, ce mariage avait été commandé par une grossesse de