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ment la peinture contemporaine tient trop de place dans ce temps. Au fond il y a eu une peinture primitive italienne et allemande ; ensuite la vraie peinture qui compte quatre noms : Rembrandt, Rubens, Vélasquez, le Tintoret ; et à la suite de cette école de l’ingénuité et de cette école du grand et vrai faire, encore de jolies et spirituelles palettes en France, et surtout à Venise, et après plus rien que de pauvres recommenceurs, — sauf les paysagistes du milieu de ce siècle.

Vendredi 19 juillet. — Daudet me dit, en nous promenant ce matin dans le parc de Champrosay, que j’ai manqué hier une conversation bien intéressante de Mistral : une sorte de biographie au courant de la parole.

Et joliment, Daudet s’étend sur ce paysan poétique, appartenant tout entier à ses bouts de champs, à son petit bien, à sa maison, à ses parents, à sa province, enfin à tout cela de rustique et d’ancienne France, dont il a tiré sa poésie. Il m’entretient de l’enfant, qui s’est sauvé quatre fois du collège, pour retourner à son clos, et qui, à douze ans, fabriquait deux petites charrues minuscules, les deux uniques objets d’art qui parent l’habitation de l’homme. Il me le montre, prenant goût aux études, et pouvant seulement être gardé par le collège, alors qu’il a connu les Géorgiques de Virgile et les Idylles de Théocrite.