Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/97

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Mercredi 11 septembre. — Quand on demande aux paysans, ce qu’ils pensent du gouvernement actuel, ils répondent : « Nous sommes ben las ! — Alors vous voulez un prince d’Orléans ?… vous voulez un Napoléon ?… vous voulez le général Boulanger ? » Ils font nenni de la tête, et répètent avec entêtement, sans qu’on puisse en tirer rien de plus : « Nous sommes ben las ! »

Vendredi 13 septembre. — Aujourd’hui, c’est le jour de la grande bataille. L’ennemi nous débusquera, ce matin, du plateau de Chardogne qui commande Bar-le-Duc, et nous devons reprendre le plateau dans l’après-midi. Or, nous voilà, tout le monde de Jean-d’Heurs en route, dès neuf heures, pour être sur le terrain des manœuvres à onze heures, où nous arrivons aux premiers coups de canon.

Il y a eu du brouillard toute la matinée. Quelque chose de laiteux est resté dans l’atmosphère, et dans l’excellente lorgnette de Rattier, la guerre ne m’apparaît pas sévère, au contraire elle m’apparaît gaie, jolie, clairette, comme dans une gouache de Blarenberg… Un spectacle vraiment drôle, au moment où l’action est le plus vivement engagée, c’est la course éperdue d’un lièvre affolé, auquel ici, un coup de canon, là, une charge de cavalerie, là, la main d’un paysan qui s’est mis à sa poursuite et le touche presque, fait faire les crochets les plus cabrio-