Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/130

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Dimanche 2 avril. — La matière catholique, que Huysmans a brassée pour son dernier bouquin, en aurait fait un pratiquant, et à l’heure présente, on le rencontre le dimanche, à Saint-Séverin. Il serait à la Trappe, dans le moment. Il aurait annoncé que le roman qu’il fait, une fois terminé, il n’en ferait plus, et que seulement, de temps en temps, il donnerait une nouvelle, écrirait un salon, et ce serait tout.

Mercredi 5 avril. — Rochegrosse vient m’emprunter le portrait, qu’il a fait sur la couverture du livre de son père adoptif, pour de ce portrait, qui est bien certainement le portrait le plus ressemblant qui ait été peint du poète, faire un Banville dans son intérieur, du format d’un petit tableau de chevalet.

Après Rochegrosse, Jean Lorrain tombe chez moi, de retour d’Alger, de Tunis. Il parle avec passion de ces pays, qui apportent une espèce d’assoupissement à la nervosité parisienne. Mais son admiration enthousiaste est surtout pour le désert, le soir, et il le peint tout à fait en peintre-poète.

Dans la journée, la terre, le ciel, les burnous même sont d’une couleur rougeâtre de la vilaine poterie ; mais au crépuscule, le ciel se fait rose, et les montagnes de l’horizon apparaissant plus légères, moins denses que le ciel, ressemblent à des vapeurs mauves, et la terre du désert se voit bleue, bleue,