Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/151

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Non elle n’est pas belle ! Une figure plate, un nez qui n’a rien de grec, des yeux à l’éclair fauve, des sourcils à la remontée un peu satanique, un enroulement autour de la tête de cheveux potassés, un buste aux seins attachés très bas : voilà la femme.

Maintenant chez cette femme, c’est dans une animation enfiévrée du corps, une vivacité de paroles tout à fait amusante. Elle entre, décrivant le fameux déjeuner Rougon-Macquart du bois de Boulogne, faisant le tableau des diverses catégories de femmes épatantes qui y figuraient, des silhouettes caricaturales des orateurs qui ont pris la parole, du bafouillement de Zola émotionné : un compte rendu drolatique qui aurait eu le plus grand succès dans un journal.

Ce qu’il y a d’original dans sa verve blagueuse, c’est que sa blague moderne, est émaillée d’épithètes de poètes symboliques et décadents, d’expressions archaïques, de vieux verbes comme « déambuler », remis en vigueur : un méli-mélo, un pot-pourri de parisianismes de l’heure présente, et de l’antique langue facétieuse de Panurge.

Et comme je la complimente sur la manière intelligente, dont elle a dit les vers de Rollinat, elle me dit le peu de succès qu’ils ont eu, et que justement dans cette soirée, où elle les disait, on lui a crié pendant sa déclamation : « Et la messe ! »

Et contre cette porte fermée, où il y a les bocaux d’eau phéniquée, les éponges, la table pour le charcuter, Lorrain dit des choses légères, rieuses, plai-