Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/176

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chez Bauër, qui très aimablement, s’est entremis pour lui faire jouer la Faustin.

Arrive Sarah, vêtue d’une robe gris perle, aux soutachements dorés, une robe tombante sans taille, semblable à une tunique. De diamants, rien que sur une face-à-main, dont le manche en est tout couvert. Sur la tête, un chiffon de dentelle noire, qui a l’air d’un papillon de nuit et sous lequel se dresse une chevelure semblable à un buisson ardent, et éclairent des yeux à la prunelle d’un bleu transparent, dans la pénombre de cils noirs.

En s’asseyant à table, elle se plaint d’être toute petite, ayant en effet la longueur de jambes des femmes de la Renaissance, et tout le temps, elle est assise de travers sur un coin de chaise, absolument comme une petite fille, mise à la grande table.

Et c’est aussitôt, avec une vivacité, un entrain, un brio de la parole, l’histoire de ses tournées à travers l’univers, nous donnant ce curieux détail, que sur l’annonce de futures représentations aux États-Unis, annonce toujours faite un an d’avance, une cargaison de professeurs de français est demandée, pour mettre les jeunes gens et les miss de là-bas, en état de comprendre et de suivre les pièces qu’elle doit jouer. Puis, c’est son vol à Buenos-Ayres, où les huit hommes qui s’étaient constitués ses gardiens, ont été si bien ensommeillés, qu’ils n’ont rien entendu, qu’elle, il a fallu la jeter en bas de son lit, pour la réveiller, et que son chien a dormi trois grands jours.