Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/198

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Mardi 2 janvier. — Dans le chemin de fer, en face de moi, un monsieur au teint de papier mâché, aux traits nerveusement tiraillés, aux yeux doucement ironiques, et qui, d’après ses paroles, semble un compositeur de musique. Il cause avec un voisin, un peintre que je ne connais pas plus que lui, et parlant un moment des compositeurs français du XVIIIe siècle, il dit : « La préoccupation de ces hommes était avant tout de traduire leurs sentiments… le métier chez eux n’était qu’un domestique… tandis que chez nos contemporains, c’est le patron ! »

Mercredi 3 janvier. — Une visite inattendue. M. Larroumet, vient me voir, et me conte ceci : il avait publié un gros livre sur Marivaux, et se présentait, je crois, à un examen de doctorat, quand son examinateur lui dit :

— Comment, monsieur, un livre de 600 pages sur un auteur de second ordre ?

— Croyez-vous, monsieur, lui aurait-il répondu, que si ces 600 pages avaient été consacrées à Crébillon père, mon livre vaudrait mieux ?

L’examinateur ne répondait rien, et continuait à feuilleter l’énorme monographie, lorsque, tombant sur notre nom, au bas d’une note, il s’écriait : « Ah ! c’est trop fort, ce nom dans votre livre… N’est-ce pas, c’est bien eux les Goncourt, ai-je lu dans un article de Sainte-Beuve, qui ont dit que l’antiquité a