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Dimanche 21 janvier. — Aujourd’hui la visite de Bonnetain, que je n’ai pas vu depuis son retour du Soudan.

Il proclame qu’on peut aller d’un bout de l’Afrique à l’autre, avec une canne, en courant moins de danger, que dans la banlieue. Mais, ajoute-t-il, quand il y a des militaires envoyés pour ces promenades, ils veulent absolument des coups de fusil, pour avancer, et c’est d’eux, que viennent toutes les complications.

Il parle de la politique française là-bas, de sa soumission aux exigences de l’Angleterre, nous confiant qu’un gros bonnet de l’administration, lui avait dit, dans un mouvement d’expansion : « Si je pouvais vous faire lire les dépêches, que j’ai dans ce meuble, sur notre humiliante attitude vis-à-vis de l’Angleterre, nous pleurerions ! »

Il donne de tristes détails sur le gaspillage, sur la malhonnêteté générale de l’endroit, signalée par cette phrase qui revient dans sa conversation, comme un refrain : « Vous savez, là-bas, il se gagne une maladie, qui fait voir les choses sous un autre angle qu’en Europe… ça s’appelle la soudanite. » Et la soudanite ferait faire de vilaines et féroces choses.

Puis avec l’accent tendrement passionné, qu’il a, lorsqu’il parle de sa fille, il nous disait : « Elle n’a pas été une minute souffrante… et c’est un enfant que rien n’étonne… Elle aperçoit un lion, savez-vous ce qu’elle dit : “Oh ! j’en ai vu de plus beaux que cela au Jardin des Plantes… et surtout le grand, auprès