Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/245

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misère, où il coucha sous les ponts, en compagnie de Forain, qu’il avait rencontré dans son existence vagabonde ; une existence non de bohèmes, dit-il, mais de camelots.

Forain faisait alors de la sculpture, et l’entraîna à l’École des Beaux-Arts, je crois, dans l’atelier de Cavelier. Mais là, pétrir de la glaise ne lui semblait pas, avec les idées de son enfance, l’œuvre d’un vrai sculpteur, d’un sculpteur frappant, à tour de bras, sur de la matière dure, et il entrait dans un atelier de médailliste, où se creusaient des coins, où l’on incisait le métal : vivant alors de travaux commencés pour des camarades, de bronzes de poignées de commodes, pour un réparateur de vieux meubles, et venant à l’atelier d’une manière intermittente, et travaillant sans goût. « Car, s’écrie-t-il, en levant la tête de sa terre, il n’y a que sept ou huit ans, que l’amour du travail m’est venu… et seulement, quand j’ai été encouragé par des gens, dont j’estimais au plus haut degré le talent… quand j’ai été encouragé par Rodin. »

Et maintenant, c’est un rude et acharné travailleur, s’appliquant, dans les loisirs que lui laissent ses médaillons, à faire de l’objet de la vie usuelle, un objet d’art, ayant à l’exposition du Champ-de-Mars, de cette année, des corbeilles à miettes, des brosses, des bougeoirs, des jetons, des cartons pour estampes, des couvertures gaufrées de catalogues, des programmes du Théâtre-Libre. Et aujourd’hui, il est en train d’exécuter, pour l’année prochaine, un