Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/269

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gauche, de temps en temps, des squelettes d’arbres, n’ayant plus qu’un bouquet de feuilles obscurées à leur sommet, et des bâtisses, dont la nuit est comme lavée d’encre de Chine. Soudain, sur la courbe d’un pont, le passage au galop d’une voiture, pareil au sillage d’une étoile filante. L’eau du fleuve, toute remuante, toute vagueuse, et où les lueurs d’émeraude et les lueurs de rubis des bateaux, semblent mettre les ondes bigarrées d’une étoffe zinzolin.

Mardi 23 octobre. — Bracquemond, auquel j’ai écrit pour avoir quelques renseignements, au sujet de ce reflet d’une femme nue dans une glace, que je veux tenter d’avoir dans la représentation de mon premier acte, de Manette Salomon, vient me voir, et après qu’il m’a donné quelques explications sur le truc du reflet fantôme au théâtre, cause avec moi des lithographies de Daumier, et m’apprend qu’il a des épreuves magnifiques du Ventre législatif, et de la Rue Transnonain, payées deux sous pièce, et trouvées par lui sur le trottoir, en compagnie d’une trentaine aussi belles : car il n’a pas choisi. Et ce mépris, à certains moments, de la valeur de l’objet, me faisait raconter par lui que, chez son maître Guichard, il avait eu entre les mains, de petits personnages, découpés dans un vrai tableau de Watteau, avec un trou dans la tête, où passait une ficelle, et qui devaient avoir servi de marionnettes, dans un