Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/315

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son pavillon amené bas, très bas, comme on salue un souverain, l’excellent maître Gustave Flaubert, que cette petite manœuvre étonna d’abord, puis ravit ensuite.

Déjeuner chez les Dorian, pour les fiançailles d’Ajalbert avec la jolie Mlle Dora Dorian.

En rentrant, je sonne. On tarde à m’ouvrir. Je m’impatiente, et ressonne à casser la sonnette. Apparaît la tête effarée de Blanche, qui me crie : « Le feu est à la maison ! » En effet, à la suite d’un feu de cheminée dans mon cabinet de travail, le feu vient de prendre dans un petit cabinet au-dessus, et Pélagie et sa fille et sa mère, courent affolées par la maison, jetant dans le chéneau des paquets de choses enflammées. Les fumistes arrivent et bouchent avec du mortier la cheminée, mais le feu n’est pas éteint, et devant la vapeur de gaz carbonique, qui remplit tout le haut de la maison, ils préviennent les femmes de dormir avec précaution : une jeune mariée ayant été, ces jours-ci, asphyxiée dans ces conditions à Auteuil. Ce qui fait que mon monde ne dort, la nuit, que d’un œil, se relevant de temps en temps, pour aller tâter le mur, et sentir s’il se refroidit.

Ah ! une vilaine soirée, cette soirée dans l’émotion de l’incendie, et cependant j’ai fait tout de même dans cette soirée, les trente lignes sur les pointes-sèches d’Helleu, qu’il m’a demandées pour une exposition à Londres, et qu’il doit venir chercher dimanche.