Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/327

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l’avenir, et qui fut un prophète miraculeux de tout ce qui est advenu depuis sa mort, dans notre vieille société.

Je dîne ce soir avec Léon et Lucien, revenus en soixante-douze heures de Stockholm, pour le banquet : tous deux émerveillés de ces paysages hyperboréens, et Léon tout à fait mordu par la folie des neiges, et un moment, ayant eu la tentation de pousser jusqu’au cap Nord.

Jeudi 28 février. — Je reçois ce matin une lettre d’une inconnue qui m’émeut vraiment. S’associant aux hommages qui vont me fêter demain, elle me conte, qu’un certain jour, elle a fui une maison, dans laquelle avaient sombré toutes ses espérances de jeune fille, toutes ses confiances de femme, maison dont elle n’avait emporté que nos chers livres, qui lui avaient donné de grandes joies littéraires. Elle ajoute, qu’habitant Paris depuis des années, elle n’a jamais songé à voir le survivant des deux frères, mais que bien des fois elle a été s’agenouiller sur la tombe du mort, et que vendredi, tout en se réjouissant des honneurs qui me seront rendus, et tout en me plaignant de les recevoir tout seul, elle retournera au cimetière.

Ce soir, je trouve Daudet préoccupé ; enfin au bout de quelque temps, il s’ouvre, se déboutonne. Il est encore sous le coup de la nouvelle, que Coppée est