Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/346

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Or un jour, l’éléphant veut s’assurer de la gratitude de la nature et des animaux à son égard, et il trouve que l’eau se fait fraîche, et le sable chaud à ses pieds, que les branches s’écartent docilement de son passage, que les animaux l’entourent respectueusement, quand il se sent mordu au pied par un crocodile. Il le prend avec sa trompe et, au moment de le tuer, la gratitude de l’eau, du sable, des branches d’arbres, le sauve, et l’éléphant le rejette à l’eau.

Lundi 22 avril. — Je fais aujourd’hui les deux expositions de Guys : l’exposition de la rue Laffitte, l’exposition de Petit.

La critique de l’heure présente veut en faire un grand monsieur : non, Guys est un dessinateur rondouillard, et le plus sale enlumineur de la terre.

Guys n’a vraiment qu’une valeur, c’est d’être le peintre de la basse putain, dans le raccrochage du trottoir. Il a rendu la provocation animale de son visage, sous ce front mangé par d’écrasants bandeaux, la lascivité de la taille sans corset, le roulis des hanches dans la marche, le retroussage ballonnant de la jupe, la tombée des mains dans les poches du petit tablier, l’attache dénouée du chapeau au chignon, l’excitation de son dos et de ses bras nus dans l’avachissement de l’étoffe qui l’habille — et cela dans les eaux verdâtres d’une aquarelle de Morgue.