Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/44

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objets placés sur une table, et qu’elle replaçait dans une vitrine, après les avoir soigneusement frottés avec du vieux linge. Et vous savez, il y en avait pour des centaines, des centaines de mille francs, dans les bibelots couvrant la table. La présentation faite, Lafontaine en se retirant, attrape un pied de la table, et voici une vingtaine de bibelots par terre. Un silence comme dans les jours tragiques, et la tête de la baronne, vous la voyez… lorsqu’un larbin ramasse sur le tapis — un tapis heureusement de cinq pouces d’épaisseur — un objet, et après l’avoir retourné dans tous les sens, le tend à la baronne, disant avec une voix de domestique : « Intact » et c’est un autre qui chuchote le même mot, et pour la dizaine d’objets tombés, c’est bientôt un chœur de larbins, répétant : « Intact, intact, intact ! » Là-dessus le baron, prenant à bras-le-corps, Lafontaine, le porte presque dehors, en lui disant : « Mon cher, avec votre chance, c’est vous qui êtes la vraie curiosité d’ici ! »

Et l’émotion, la suée de Lafontaine fut telle, qu’il soutient que la couleur de ses gants avait changé.

Le déjeuner fini, nous partons avec de Nolhac, l’aimable et savant conservateur du musée de Versailles, visiter les pièces intimes du château historique. Et me promenant dans la demeure de ce grand passé, il me prend une tristesse, en pensant à la petitesse du présent.

Puis çà et là, où badaudent des troupes d’ignares, l’histoire parle dramatiquement à l’historien de