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Mardi 10 mai. — Le sommeil de la sieste : un curieux sommeil, où, au milieu de l’évanouissement de l’être, il y a, dirais-je, une perception poétique de ce qui se passe autour de ce sommeil.

Samedi 14 mai. — Frantz Jourdain vient déjeuner avec moi, et me lire des fragments d’un livre, dont je lui ai donné l’idée. C’est un roman (l’Atelier Chantorel) où sous un nom supposé, il raconte son enfance, sa jeunesse, son passage à l’École des Beaux-Arts, son apprentissage du métier d’architecte ; et l’intéressant bouquin est presque, tout le temps, soutenu par de la vie vécue.

Ce soir, une femme du monde, m’attaque gentiment sur l’horreur, professée dans mon Journal, pour le progrès dans les choses, me parlant de la vie magique, surnaturelle, que lui a faite le téléphone : « Tenez, il y a une heure, je causais à Londres avec un Anglais, pour une affaire que j’ai là-bas ; quand vous êtes entré, je m’entretenais avec ma sœur, à Marseille, lui disant que je vous attendais ; dans la journée, j’avais arrangé un mariage et un divorce… Hier j’étais fatiguée, je m’étais couchée de bonne heure, mais ne dormant pas, je me suis mise à causer avec un monsieur, dont j’aime l’esprit… mais un monsieur, que les convenances m’empêchent de recevoir fréquemment… N’est-ce pas, dit-elle, en riant, c’est singulier pour une femme, dans son