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Samedi 21 mai. — Déjeuner chez Raffaëlli, avec Proust, le ménage Forain, une Américaine, organisatrice de l’exposition de Chicago, dont les dents aurifiées font dire à Forain, que ses dents ressemblent à des jets de gaz, allumés pendant le jour — et encore avec des peintres, que je ne connais pas.

Forain raconte ses démêlés avec ses créanciers, parmi lesquels se rencontraient des créanciers roublards qui se faisaient ouvrir en chantonnant le refrain d’une chose en vogue, dans le moment, chez les artistes. Il narre joliment, comment il a mis militairement à la porte de chez lui, un créancier qui ne l’avait pas reconnu sous le costume d’un garde municipal, qu’il était en train d’endosser, pour aller à un bal masqué, chez Ménier.

Puis, je ne sais à propos de quoi, le nom de Meissonier est tombé dans la conversation, et l’on cite ce mot immense du peintre à un ami, lui annonçant qu’il avait eu l’influence de faire nommer une rue : Rue Meissonier.

— Bon, vous m’avez fait rater mon boulevard !

Le ménage Forain m’entraîne voir son petit intérieur, ingénieusement machiné avec un atelier en haut, où Forain travaille : atelier communiquant par une baie avec le grand salon au-dessous. Une riante et claire demeure d’un ménage de peintre.

Forain me fait voir des lithographies, qu’il vient de jeter sur la pierre, reprenant un procédé abandonné, et y débutant avec succès, mais avec un peu de l’imitation du faire de Daumier, dont il a du reste