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Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/244

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que le frère sorti emportât la puissance d’attention du frère resté au logis, qui ne pouvait plus s’occuper à autre chose qu’à fumer jusqu’à son retour. Et encore, l’heure annoncée pour la rentrée se passait-elle, la cervelle de celui qui attendait se remplissait de malheurs, de catastrophes, d’accidents de voitures, d’écrasements de passants, de préoccupations stupidement sinistres qui le faisaient continuellement aller et venir du fond de sa chambre à la porte d’entrée de leur logement. Aussi ne se séparaient-ils que forcément, et l’un n’acceptait-il jamais un plaisir où l’autre devait manquer, et ne trouvaient-ils en remontant toutes les années de leur existence commune, qu’une seule fois vingt-quatre heures passées loin l’un de l’autre !

Mais aussi, il faut le dire, entre les deux frères le resserrement de la fraternité était fait par quelque chose de plus puissant encore. Leur travail se trouvait tant et si bien confondu, leurs exercices tellement mêlés l’un à l’autre,