Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’elles-mêmes, tout bas en répétaient le soupir suprême. Et en même temps, avec cette mémoire intérieure, elle sentait s’élever et remonter peu à peu en elle tout le douloureux de sa vie, toutes ses larmes en dedans. Avec l’amère félicité du souvenir, elle se rappelait toutes ses impressions tristes de jeune fille, d’épouse, de mère, toutes les secrètes et inconnues douleurs opprimées d’une existence de femme. Il lui semblait que son passé se rapprochait dans l’enchantement mélancolique d’une harmonie éloignée, sur la corde d’un violon qui eût pleuré. C’était comme un rappel de ses anciennes émotions, où lui revenait, à fleur de cœur, ce qu’elle avait senti, étouffé, souffert. Rien de religieux d’ailleurs et qui s’approchât de la foi ne se mêlait chez Mme Gervaisais à cette sensation délicate et profonde, mais de sentimentalité toute féminine, mise en elle par cette musique.

Et presque heureuse dans cet état doux et cruel, elle ne faisait point d’effort pour en sortir. Elle s’y abandonnait avec une