Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/239

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charmés, dans une immobilité modeste et humble de petits pauvres honteux, ayant peur de demander l’aumône, attendant qu’il voulût bien les embrasser et n’osant commencer les premiers. Des petites filles étaient plus braves : elles allaient droit à lui, et tout à coup le soulevant, l’enlevant presque dans leurs bras, elles l’embrassaient comme si elles mordaient à un fruit, puis se sauvaient.

Mme Gervaisais eut, dans ces jardins de la villa Borghèse, des jours de printemps, ― il était cette année-là chaud et pluvieux, ― des jours de singulier bien-être, d’une espèce d’accablement suave, d’une détente qui la laissait un moment heureuse ; des jours qui avaient la tiédeur d’un bain, avec des odeurs chaudes d’acacias et d’orangers, un ciel de poussière, un soleil qui ne paraissait plus qu’une lueur orange, un étouffement du bruit des cloches lointaines, un chant à petits cris et comme lassé des oiseaux, un air où une rayure, qu’on eût prise pour le vol d’un moucheron, était la chute d’une