Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/326

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les membres, d’un mouvement ondulant, là où le rayon les touchait. Elle se figurait apercevoir l’ombre baisser de son doigt la paupière lourde des griffons, et appesantir leur sommeil de marbre ; et l’inconscience lui venant presque, elle se sentait, non sans un anxieux plaisir, comme celui de perdre terre, transportée au delà du lieu et de l’heure, dans un décor qui aurait été l’Apocalypse, dans cet espace de l’avenir où seront brisés les sept sceaux du Livre.

Presque toujours elle restait des heures agenouillée, droite et se roidissant. Par moments elle devenait blanche, comme si tout son sang l’avait quittée ; et à d’autres, un épuisement suprême, la fin de ses dernières forces, donnait à son corps vaincu, à sa tête presque mourante sur son épaule, l’affaissement d’une personne qui va s’évanouir. Alors son fils, qu’elle gardait toujours près d’elle, approchait de ses narines un flacon de vinaigre qu’elle lui faisait emporter chaque fois, dans la prévision de se trouver mal. Le pauvre enfant était dressé à cela. Il était habitué à ces faiblesses de sa mère,