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Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/33

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— Eh bien ! Honorine, — dit madame Gervaisais en passant le doigt entre la collerette et le cou de l'enfant, — elles me paraissent d'assez bonnes personnes, ces femmes de la maison. Vous ont-elles mise un peu au fait ? — Ces femmes-là ?… Mais, madame, je ne comprends rien à ce qu’elles disent… La jeune même, qui parle français…

— Vous comprendrez bien vite… Vous êtes intelligente, et…

— Oh ! madame ! — fit Honorine avec le profond accablement de tristesse d'une femme du peuple qui sent, d'elle aux autres, la séparation éternelle d'une langue qui n’est pas la sienne, d'une langue qu'elle ne pourra jamais entendre.

— Allez! ma pauvre Honorine, il n’y a pas de ma faute… Vous savez que si nous sommes ici…

— Je sais bien, madame, je sais bien.

Et Honorine baissa la tête. Elle reprit :

— Ce n'est pas pour reprocher à madame… Madame sait bien que je suivrais madame au bout du monde… — Et s'ani-