Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/351

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se tendant à l’affreux supplice de l’insensibilité maternelle, faisant sur elle le travail de « broyer son cœur », selon l’ordre du Trinitaire.

À la longue, un sentiment de peur d’elle-même lui venait devant le pauvre petit, comme devant un danger : elle se reculait de lui, se défendait de sa présence ainsi que d’une tentation. Le sentiment d’une femme en garde contre une séduction de sa chair et de ses os se glissait en elle contre son enfant. Et à la fin de tous ces bouleversements d’une conscience et des instincts d’une mère, elle s’arrachait une sorte de haine, peut-être cette haine sainte, cette monstrueuse victoire dénaturée sur le sang, la dernière et suprême victoire de la religion, une haine d’un mélange étrange pour ce fils où elle ne voyait plus son fils, mais seulement un obstacle à son salut, un empêchement des bontés de Dieu sur elle, un ennemi chéri et détesté de sa vie éternelle !

À l’exemple d’une illustre Sainte qui ne pouvait guérir d’une affection terrestre,