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Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/75

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compréhensible, qu’elle fut longtemps à aimer encore mieux qu’il ne parlât pas quand les étrangers étaient là. Elle attendait encore, croyant au temps, à une crise, à la vague Providence, plus souvent désespérée, le voyant pour toujours ainsi.

Et cependant son fils, dans l’atrophiement de son cerveau et de sa langue, montrait, en grandissant, une faculté, un sens rare et unique, un véritable génie musical d’enfant, une précocité de prodige pour saisir, comprendre, retenir, goûter, savourer ce qu’il entendait. La musique devenait sa passion, le plaisir, l’intérêt, l’expansion de sa vie rétrécie et incomplète ; et avant de l’emmener en Italie, la plus grande joie que la mère pouvait donner à l’enfant, joie qu’il attendait dans la fièvre, c’était de le mener tous les mardis, à l’Opéra: le lendemain, Pierre-Charles passait obstinément sa journée entière, enfermé dans le cabinet aux robes, à tambouriner sur les vitres tous les grands morceaux de la veille.

La musique et un cœur, ― c’était tout cet enfant, un cœur où semblait avoir reflué,