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Page:Goncourt - Pages retrouvées, 1886.djvu/230

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PAGES RETROUVÉES.

tables. La mère, une matelote et du vin blanc ! Les jolies parties d’amour, les jolis ménages tout autour des tables ! La nuit accroche ses étoiles, la nuit les reconduira. — Les échos y disent des chansons, les murs y chantent des gaietés !

Vous ne reconnaissez pas ? C’est le cabaret de la Girafe à Sèvres.


A LENOTRE


Ce jardin serrait le cœur ; non pas qu’il eût l’aspect pleureur et désolé de ces coins de terre mangés d’herbes parasites qui s’en vont, disparaissant sous la mousse et l’oubli, et où le tracé des allées se perd, et où la place des massifs de fleurs s’efface et où la naïade du bassin verdie par les années pleure sur son urne aride… Non, mais il attristait comme la coquetterie d’une douairière. Les cadres de buis maigres qui emprisonnaient les parterres, avaient encore la vigueur des droites lignes de leur première jeunesse, les deux allées de tilleuls montraient leurs feuilles comme coupées par les ciseaux d’un perruquier soigneux, le cailloutis était jaune et lustré. Tout cela présentait le profil sec de ces parcs géométriques et malingres esquissés par Abraham Bosse. C’était un ensemble peigné, verdelet, soumis à une tyrannie du cordeau d’un charmant bon goût Louis XIV ; un jardin qui n’était pas du tout un jardin comme l’entendent le Bon Dieu et la Nature, — deux grands amateurs pourtant.