Page:Goncourt - Préfaces et Manifestes littéraires, 1888.djvu/133

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nous voulons rire, à la queue des sourds satyres, amoureux de la joie et de la folie. Est-ce une raison pour ne pas crier : Pouah ! quand la fange tente d’éclabousser l’art ! Nous n’aimons pas voir sa robe s’accrocher au clou du lupanar, et toute débraillée, titubant à travers les ruisseaux, voir la Muse, le stigmate de l’impudeur au front, s’en aller, psalmodiant des rapsodies sans nom, parmi lesquelles rien ne transpire, ni vérité, ni style, ni inspiration !

Nous ne sommes ni des cabaleurs, ni des amis ! Nous avions payé nos places ; et seuls peut-être dans toute la salle nous avions l’esprit dégagé de toutes les préoccupations de l’amitié et de la camaraderie. Mais, en vérité, en face des singulières rengaines qu’on voulait nous faire applaudir et accepter comme une transformation dans l’art, quand nous avons entendu comparer HERNANI à HENRIETTE, nous avons mis les clés à nos lèvres. Une révolution, cela ? On ne fait pas des révolutions avec des bonshommes de bois ; et si Bobèche avait voulu remplir le rôle de Mirabeau, la foule eût sifflé et tourné le dos. Qu’on nous donne RUY BLAS, OTHELLO, CHATTERTON, le GENDRE DE M. POIRIER, et vous verrez où seront les jeunes gens, et quelle grande cabale d’applaudissements nous nous chargeons