Page:Goncourt - Préfaces et Manifestes littéraires, 1888.djvu/221

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la parole au chant, l’éloquence à l’imagination. Le rapsode est devenu citoyen, et le conte épique devient un discours : l’histoire est une tribune où un homme, doué de cette harmonie des pensées et du ton que les Latins appelaient uberté, vient plaider la gloire de son pays et témoigner des grandes choses de son temps.

Puis arrive l’heure où les crédulités de l’enfance, les illusions de la jeunesse abandonnent l’humanité. L’âge légendaire de la Grèce est fini ; l’âge républicain de Rome est passé. La patrie est un homme et n’est plus qu’un homme : et c’est l’homme même que l’histoire va peindre. Il s’élève alors, dans le monde asservi et rempli de silence, un historien nouveau et prodigieux qui fait de l’Histoire, non plus la tradition des fables de son temps, non plus la tribune d’une patrie, mais la déposition de l’humanité, la conscience même du genre humain.