Page:Goncourt - Préfaces et Manifestes littéraires, 1888.djvu/53

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retourner à l’hôpital. Car entre la visite, que j’ai faite à Rose le jeudi, et sa brusque mort, un jour après, il y a pour moi un inconnu que je repousse de ma pensée, mais qui revient toujours en moi : l’inconnu de cette agonie dont je ne sais rien, de cette fin si soudaine. Je veux savoir et je crains d’apprendre. Il ne me paraît pas qu’elle soit morte ; j’ai seulement d’elle le sentiment d’une personne disparue. Mon imagination va à ses dernières heures, les cherche à tâtons, les reconstruit dans la nuit, et elles me tourmentent de leur horreur voilée, ces heures !… j’ai besoin d’être fixé. Enfin, ce matin, je prends mon courage à deux mains. Et je revois l’hôpital, et je revois le concierge rougeaud, obèse, puant la vie comme on pue le vin ; et je revois ces corridors où de la lumière du matin tombe sur la pâleur de convalescentes souriantes…

Dans un coin reculé, je sonne à une porte aux petits rideaux blancs. On ouvre et je