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Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/144

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coffre sur lequel elle était assise, et fouillant à pleines mains, elle retirait des merveilles arachnéennes.--«Mes dentelles!--disait-elle.--Hein! monsieur, elles sont belles?--J'ai un fils;--voyez ce picot-là!--mon petit «l'Éveillot», un gamin de dix ans.--Allons! venez un peu au jour, mesdemoiselles! anciennes, monsieur, tout cela!--L'Éveillot! Il va bien, cet enfant-là! Je lui ai acheté un pantalon blanc! il sert la messe dans tous les couvents d'ici et des environs, et quand il revient, il me dit ce qu'a la nappe d'autel, combien d'aunes, et s'il y a des trous, si on peut la repiquer. Il aime les dentelles, l'Éveillot.--Tenez, j'ai attendu dix ans une mort pour avoir cette gueuse de valencienne-là!--Il est comme sa mère.»--La guipure, les dentelles de Venise, de Gênes, les beaux points d'Alençon du XVIIIe siècle, les malines brodées, les réseaux microscopiques de Bruxelles passaient sous mes yeux; la marchande s'exaltait et se grisait à parler tracé, bride, couchure, bouclure, rempli, mode, points gaze, mignon, brode.--«Vous ne savez pas ce que c'est, vous autres! Je me relève la nuit pour les