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Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/170

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sur les eaux qui fermentent. Les touffes de soude et de varech tachent de longues langues de sable. En ce désert lézardé par la mer envahissante, semé d'îlots de terre brûlée, et propice au mirage comme le Sahara, quelques cavales blanches filent à l'horizon comme des flèches d'argent. Pour un passant qui passe, des troupes de taureaux s'effarent. Dans les canaux encaissés qui traversent le marais, de lourds bateaux à dragues dorment, leurs roues à godets immobiles. Plus les chants, plus les cris, plus les joyeux appels de la Provence! Il fait silence. Le sol vermineux pullule de scorpions. L'air charrie des nuées de moustiques et de moucherons. Par le paysage d'or pâle volent des milliers d'oiseaux aquatiques; et même parfois les flamants navigateurs, rangés en file, frôlent les plus hauts roseaux, déployant au soleil leurs ailes flamboyantes, joyeux de cette Égypte retrouvée.

Auprès d'une hutte conique en joncs, wigham de Huron trempant dans la boue, s'évase une mare où gît, sombrée, la carcasse d'un vieux bateau. Au bord de la mare, pieds nus,