Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/25

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d Carrel.

Septembre.--Cette allée du jardin est tout étroite et longue. Elle a deux pieds de large avec une bordure de buis mangée par place. Elle est garnie de petits cailloux criants. Je vais jusqu'à la porte qui s'ouvre sur la route de l'Ermitage; je reviens au bâtiment de l'écurie; je retourne jusqu'au bout, et toujours ainsi. Je la sais par cœur cette allée droite, et elle est dessinée aussi nettement dans mon cerveau que dans le jardin.--Je ne sais pourquoi je m'y promène, mais je m'y promène à présent toute l'après-dînée; et quand il vient quelqu'un pour me parler et que je suis dans le jardin, maman dit: «Victor?... il fait du sable.»--Cette allée, et les deux bouts de terrain qui l'accompagnent, ont l'air de trois rubans juxtaposés. D'un côté, des choux, des groseilliers et des carottes; de l'autre, de l'herbe où des pommiers mettent leurs ombres grêles.--Des haies de fagots me séparent à droite du verger de la fabrique de limes; à gauche, du verger des Nantouillet.--Une vingtaine de rosiers régulièrement distancés de vingt pas en vingt pas, comme des sentinelles, sont sur le bord de l'allée, et je pourrais dire, tant je les