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Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/251

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la neige mate des fleurs, y posant par places des brillants, comme dans de l'argent bruni. Au haut du coteau, un panache d'un vert sourd qui fait ressauter les verdures aériennes des premiers plans.--Sur le chemin vicinal qui va du village à la route, il marche un androgyne de six pieds de haut, entoilé d'un coutil gris qui dessine d'amples gigots aux bras. A chaque enjambée sous la blouse longue se cache et se laisse voir, pudibonde et modeste, la broderie anglaise d'un pantalon de petite fille. Des souliers de prunelle chiffonnent leurs rubans de soie noire autour d'une cheville en paturon. Le vieillard s'avance, herculéen, dans un balancement craintif et sautillant. Il a sur la tête nue une perruque qui semble une touffe de mousse desséchée, à cheval sur deux immenses oreilles couleur de vieille préparation de cire. Au front, un nez gigantesque commence; un nez non pareil auquel on dirait que courent toutes les lignes du menton et des joues comme si elles s'efforçaient d'amarrer au visage cet insolite morceau de chair prêt à fuir. Ainsi nasalement pourvu, la tête du vieillard a l'air de ces hydrocéphales de buis qui servent