Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/70

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faire fortune, c'est là, uniquement là. Vous savez que si vous avez du talent, cela sera un accessoire fort généreux de votre part, c'est la dernière chose qu'on vous demandera. Pourvu que vous ayez la jambe bien tournée et l'œil bien fendu, directeur et public seront satisfaits; or vous avez cela, et, en plus, une jolie voix, et vous êtes musicienne. Venez ici, je vous fais engager au théâtre. J'ai le directeur dans mon bas, ou peu s'en faut. Pour ce qui est de vos débuts, ne vous en faites pas un monstre d'avance. C'est une des nombreuses choses de la vie auxquelles il ne faut songer que le lendemain. L'habitude du public vous viendra peu à peu, ma chère, comme toutes les habitudes. Vous concevez bien que mes conseils et mes exhortations ne vous donneront pas du courage si vous n'en avez pas. Ceci, vous le sentez, est une condition toute physique. Mais, rassurez-vous; tout le monde est ému le premier jour; les débuts sont toujours pleins de troubles et d'émotions, et le public, je vous jure, le public de province surtout, ne songe pas à se formaliser de voir une jolie fille embarrassée d'être regardée et qui rougit sous