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OBLOMOFF.

accourant à leur rencontre, croyaient voir non-seulement le respect pour eux, mais encore le zèle, et quelquefois l’aptitude pour le service.

Élie n’avait pas besoin de tant redouter le sien, homme d’un commerce facile et agréable. Jamais son chef n’avait fait de tort à personne ; ses subordonnés en étaient très-satisfaits et n’en désiraient point de meilleur. Jamais personne n’avait entendu de lui ni mots désobligeants, ni cris, ni tapage : jamais il n’exigeait, il priait toujours.

Pour affaire de service — il priait ; pour inviter à venir chez lui — il priait, et en vous mettant aux arrêts — il priait encore. Il n’avait jamais tutoyé personne : à tout le monde il disait vous, à un employé seul, comme à tous les employés réunis. Pourtant ses subordonnés étaient émus par sa présence.

S’il les questionnait doucement, ils répondaient, non avec leur voix propre, mais avec une voix factice, dont ils ne se servaient jamais ailleurs. Élie aussi perdait contenance tout à coup, ne sachant trop pourquoi, quand son supérieur entrait dans la chambre ; il perdait aussi sa propre voix et il lui en venait une autre, flûtée et désagréable, sitôt que ce personnage lui adressait la parole.

L’effroi et l’ennui continuel du service, même sous un chef bon et bienveillant, consumèrent Oblomoff. Dieu sait où il en serait venu, s’il avait eu un