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OBLOMOFF.

de la croix et ajoutait en pleurant aussi : « C’est la volonté de Dieu ; on ne peut lutter contre Dieu ! Il faut remercier le créateur même du peu qu’il donne ! »

Depuis la mort des vieux, non-seulement l’économie rurale ne s’était pas améliorée, mais, ainsi qu’on a pu le voir par la lettre du staroste, elle n’avait fait qu’empirer.

Il était clair qu’Élie devait se rendre sur les lieux et y rechercher la cause de la diminution graduelle des revenus. Il voulait même le faire, mais il reculait sans cesse, parce que le voyage se présentait à lui comme un événement nouveau et inconnu.

De sa vie il n’en avait fait qu’un et encore sans changer de chevaux, plongé dans des coussins de plumes, entouré de coffres, de malles, de jambons, de petits pains blancs, de viandes cuites ou rôties, de volaille, et accompagné d’un nombreux domestique.

C’est ainsi qu’il accomplit l’unique pèlerinage de sa campagne à Moscou, et cet unique pèlerinage lui servit de point de comparaison pour les voyages en général. Maintenant il entendait dire qu’on n’allait plus ainsi, qu’il fallait galoper ventre à terre.

Oblomoff avait un autre motif de remettre son expédition : c’est qu’il n’était pas préparé comme il faut à s’occuper de ses affaires. Il ne ressemblait plus déjà à son père ni à son grand père. Il avait fait des études et vécu dans le monde : tout cela lui avait