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OBLOMOFF.

Il savoura si vivement en imagination les fruits à venir qu’il se transporta à la campagne, à quelques années de là, quand sa propriété serait réformée suivant son plan et que déjà il y serait à demeure.

Il se vit assis par une soirée d’été sur la terrasse, devant une table à thé, sous un dôme de verdure impénétrable au soleil, ayant à la bouche la longue chibouque, dont il aspirait paresseusement la fumée, jouissant tout rêveur d’une échappée de vue, de la fraîcheur et du calme.

Au loin jaunissent les moissons, le soleil descend derrière le bois de bouleaux si connu et rougit l’étang poli comme une glace ; la vapeur s’élève des champs ; le serein tombe, survient le crépuscule ; les paysans s’en retournent chez eux par bandes.

Les domestiques oisifs se tiennent sur la porte ; on entend des voix joyeuses, des rires, le son de la balalayka[1] ; les filles courent au gorelki[2] ; autour de lui s’ébattent ses marmots : ils grimpent sur ses genoux et se pendent à son cou ; devant la bouilloire est assise… la reine de tout ce qui l’entoure, sa divinité… la femme ! son épouse !

Et pendant ce temps, dans la salle à manger, ornée avec une simplicité artistique, commencent à briller les lumières engageantes ; on couvre une grande table

  1. Sorte de petite guitare à trois cordes.
  2. Jeu populaire.