Page:Gontcharoff - Oblomoff, scènes de la vie russe, trad Artamoff, 1877.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
OBLOMOFF.

paysans te saluaient jusqu’à la ceinture ; ils t’appelaient : monsieur Zakhare, et toujours monsieur Zakhare ! Et monsieur n’est pas encore content, et il m’a promu à la dignité des « autres ! » Voilà ma récompense et comme il honore le barine !

Zakhare poussait des sanglots convulsifs, et Élie lui-même était ému. En sermonnant Zakhare, il s’était profondément pénétré de la conviction qu’il comblait ses paysans de bienfaits, et les derniers reproches, il les fit d’une voix tremblante et les larmes aux yeux.

— Maintenant tu peux aller en paix ! dit-il à Zakhare d’un air réconcilié. Mais, attends, donne-moi encore du kwas. Mon gosier est à sec : tu aurais du le deviner ; n’entendais-tu pas que la voix du barine était voilée ? Vois où tu l’as poussé. J’imagine que tu as senti ton méfait, dit Élie, quand Zakhare lui servit du kwas, et qu’à l’avenir tu ne te permettras plus de comparer le barine à « d’autres. »

Si tu veux effacer ton offense, arrange-toi comme tu l’entendras avec le propriétaire, pour que je n’aie pas à déménager. C’est donc ainsi que tu soignes le repos du barine : tu l’as tout désorienté et peut-être l’as-tu privé d’une idée neuve, utile. Et qui en as-tu privé ? Toi-même. C’est à vous autres que je me suis voué entièrement, c’est pour vous que j’ai donné ma démission, que je m’enferme…