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OBLOMOFF.

sieurs tableaux, des bronzes, des porcelaines et quantité de charmants bibelots. Mais l’ensemble de ces objets avait un sens qu’un œil exercé aurait démêlé sur-le-champ.

On y lisait le désir de garder tant bien que mal le décorum sans se donner pour cela aucune peine. C’est certainement dans ce seul but qu’Élie avait arrangé son cabinet. Un goût délicat n’aurait pu s’accommoder de ces chaises d’acajou lourdes et disgracieuses, ni de ces étagères vacillantes. Le dossier d’un des sofas s’était affaissé, et l’acajou plaqué s’était décollé par places. Les tableaux, les vases et les bibelots étaient dans le même état.

Le maître lui-même promenait sur l’arrangement de son cabinet un regard morne et distrait qui semblait dire : « Qui diable m’a fourré tant de choses, là-dedans ? » Il suffisait d’un peu plus d’attention pour remarquer cet abandon et cette négligence, résultat de la froide indifférence du propriétaire, et peut-être encore plus de son domestique Zakhare. Le long des murs, autour des tableaux s’accrochaient en festons des toiles d’araignées, imprégnées de poussière.

Les miroirs, au lieu de refléter les objets, ressemblaient aux tables de Moïse : sur la poussière on aurait pu écrire des notes. Les tapis étaient pleins de taches. Un essuie-mains traînait sur un sofa et il se passait rarement un matin sans qu’on vît sur la table une