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OBLOMOFF.

— De qui pourrait-ce bien être ? fit Élie père d’un air pensif, en examinant l’adresse ; on dirait vraiment que je connais l’écriture.

Et la lettre circula de mains en mains. Alors aussi commencèrent les commentaires et les suppositions. De qui était-elle ? que disait-elle ? chacun y perdit son latin.

M. Élie père ordonna qu’on lui apportât ses lunettes ; on les chercha pendant une heure et demie. Il les mit et déjà il était sur le point d’ouvrir la lettre…

— Veux-tu finir ; ne décachette point, Élie, dit sa femme toute tremblante en l’arrêtant. Qui sait ce qu’est cette lettre ? Peut-être est-ce encore quelque chose d’effrayant, un malheur ! C’est que le monde est devenu si méchant, vois-tu ! Demain ou après-demain tu auras le temps : elle ne s’envolera point.

La lettre fut mise sous clef avec les lunettes, et l’on fut tout entier au thé. Elle y serait restée des années, si son arrivée, phénomène extraordinaire, n’avait profondément troublé les esprits des Oblomoftzi.

Pendant le thé et le lendemain, il ne fut pas question d’autre chose que de la lettre. Enfin, on ne put y tenir, et, le quatrième jour, après s’être réunis en groupe, on la décacheta avec consternation.