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OBLOMOFF.

— Chez eux, chez ces Allemands ! Mais d’où diable voulez-vous qu’il leur vienne des ordures ? répondit vivement Zakhare, Voyez donc la vie qu’ils mènent ! Toute la famille, pendant huit jours, est après le même os. L’habit passe et repasse du père au fils, et du fils au père. La mère et les filles ont de mauvaises petites robes ; elles sont toujours à ramasser leurs pieds sous elles comme des oies… D’où diable voulez-vous qu’elles prennent des ordures ? Ces gens-là n’ont pas, comme nous, des armoires pleines de vieilles hardes, qui y restent des années. Comment voulez-vous que, durant un hiver, il s’accumule chez eux tout un coin de croûtes de pain. Chez eux ! Il ne s’y perd pas un croûton ! Ils en font des biscottes, et puis ils les avalent avec de la bière.

Et Zakhare cracha entre ses dents rien qu’à l’idée d’une existence aussi sordide.

— Allons, pas tant de conversations, dit Élie ; tu ne fais que raisonner… range plutôt.

— Je rangerais bien quelquefois, mais c’est vous qui m’en empêchez.

— Bon, te voilà encore. C’est toujours moi qui t’empêche.

— Mais sans doute, vous restez tout le temps chez vous ; comment voulez-vous qu’on fasse la chambre quand vous y êtes ? Sortez pour toute la journée et on rangera.

— Voilà encore de tes idées ! Que je sorte ! Va-t’en