Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/117

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— La visite est finie ! déclara le surveillant en regardant sa montre.

— Merci, maman ! dit Pavel. Merci, ma chérie ! Ne sois pas inquiète… je serai bientôt libéré…

Il l’étreignit avec force et l’embrassa ; la mère, heureuse et touchée, se mit à pleurer.

— Séparez-vous ! s’écria le surveillant, et il reconduisit la mère tout en grommelant :

— Ne pleure pas… il sortira bientôt ! On relâchera beaucoup de monde… il n’y a plus de place… ils sont trop ici…

À la maison, elle dit au Petit-Russien :

— Je lui ai parlé adroitement… il a compris…

Puis elle soupira avec tristesse :

— Oui, il a compris, sinon, il ne m’aurait pas embrassée comme il l’a fait… c’était la première fois…

— Ah ! dit André en riant. Les gens désirent toutes sortes de choses, mais les mères ne demandent que des caresses…

— Mais si vous aviez vu les autres visiteurs ! s’écria-t-elle soudain, reprise par l’étonnement. On dirait qu’ils y sont habitués. On leur a pris leurs enfants pour les mettre en prison et cela ne leur fait rien. Ils viennent, ils s’asseyent, ils attendent, ils causent entre eux. Du moment que les gens instruits s’accoutument si bien à cela, que dire alors des ouvriers ?…

— C’est bien naturel ! répondit le Petit-Russien avec un sourire. La loi est tout de même plus douce pour eux que pour nous… et ils ont plus besoin d’elle que vous. Aussi, quand la loi les atteint, ils se contentent de faire la grimace, mais pas trop… La loi les protège un peu tandis que, nous autres, elle nous lie, afin que nous ne puissions pas ruer…


XX


Un soir, tandis que la mère tricotait, assise près de la table et qu’André lisait à haute voix l’histoire du soulèvement des esclaves romains, quelqu’un frappa violemment à la porte ; quand le Petit-Russien eut ouvert, Vessoftchikov entra, un paquet sous le bras, sa