nous coffrerait avant le Premier Mai… Je ne répondis rien, me contentai de rire, mais mon cœur commençait à bouillonner. Ensuite, il me dit que j’étais un garçon intelligent, que je ne devrais pas prendre cette voie…
Le Petit-Russien s’arrêta, s’essuya le visage de la main gauche ; ses yeux étaient secs et brillants.
— Je comprends ! dit Pavel.
— Oui ! Il m’a dit qu’il valait mieux entrer au service de la police…
Le Petit-Russien tendit le poing.
— Quelle âme maudite que cet Isaïe !… Il aurait mieux valu qu’il me frappât au visage… cela m’aurait été moins pénible et ça aurait peut-être mieux valu pour lui aussi ! Mais j’ai perdu patience quand il m’a ainsi craché dans le cœur son infecte salive !
André dégagea convulsivement sa main de la main de Pavel, et ajouta avec dégoût, d’une voix plus sourde :
— Je l’ai frappé en pleine figure et suis parti… Derrière moi, j’entendis Dragounov dire tout bas : — Tu es bien attrapé. Il était resté caché au coin de la rue… sans doute…
Après un instant de silence, le Petit-Russien reprit :
— Je ne me suis pas retourné… et pourtant je sentais… je comprenais la possibilité… Puis j’entendis un bruit… Je suis parti tout tranquillement comme si je venais de pousser du pied un crapaud… Quand je suis arrivé à la fabrique, on criait ; — Isaïe a été tué ! Je ne voulais pas le croire. Mais ma main m’a fait mal… Je n’en suis plus maître… elle ne me fait pas souffrir, mais on dirait qu’elle s’est raccourcie…
Il jeta un coup d’œil rapide sur sa main et continua :
— Je ne réussirai sans doute Jamais à laver cette tache impure !
— Pourvu que ton cœur soit pur, mon chéri ! dit la mère en pleurant.
— Je ne m’accuse pas… oh non ! reprit le Petit-Russien avec fermeté. Mais c’est répugnant… Il n’est pas agréable d’avoir une boue pareille dans la poitrine, je n’ai pas besoin de cela !
— Que penses-tu faire ? demanda Pavel en le regardant d’un air soupçonneux.
— Ce que je veux faire ? répéta André.