Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/171

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— Il faut marcher avec la vérité, même quand on est près de la tombe !

— Voyez-vous ça ! dit Mironov. On a probablement raison quand on dit que tu introduis des brochures défendues dans la fabrique.

— Qui a dit cela ? demanda Pavel.

— Tout le monde ! Eh bien, au revoir… Ne faites pas de bêtises !

La mère se mit à rire doucement ; elle était flattée qu’on parlât ainsi d’elle. Pavel lui dit en souriant :

— On te mettra en prison, maman !

— Je veux bien ! fit-elle.

Le soleil montait toujours, mêlant sa chaleur à l’alerte fraîcheur du jour printanier. Les nuages voguaient plus lentement ; leur ombre était devenue plus fine, plus transparente… Ils planaient au-dessus de la rue et des toits, enveloppaient la foule ; ils semblaient purifier le faubourg en essuyant la poussière et la boue des toits et des murs, en enlevant l’ennui des visages. Les voix se faisaient plus joyeuses et sonores, et étouffaient l’écho lointain du vacarme des machines, des soupirs de la fabrique.

De partout, des fenêtres, des maisons, des exclamations de rage ou d’inquiétude, gaies ou tristes, s’envolaient et venaient frapper les oreilles de la mère. Elle aurait voulu répliquer, remercier, expliquer, se mêler à la vie étrangement bigarrée de ce jour.

Au coin de la grande place, dans une étroite ruelle, une centaine de personnes s’étaient rassemblées autour de Vessoftchikov.

— On vous presse pour extraire votre sang comme on exprime le jus d’une baie ! disait-il ; et ses paroles embarrassées tombaient sur la tête des gens.

— C’est vrai ! répondirent en même temps quelques voix qui se fondirent en un bruit confus.

— Il fait tout son possible, le gamin ! dit le Petit-Russien. Je vais l’aider…

Il se baissa et, avant que Pavel eût le temps de l’arrêter, il enfonça son long corps souple dans la foule, tel un tire-bouchon. Sa voix chantante résonna :

— Camarades ! On dit qu’il y a sur la terre toutes sortes de peuples : des Juifs et des Allemands, des Français, des Anglais, des Tatars. Mais je ne crois pas