avaient disparu sous un masque cadavérique ; seuls, les yeux profondément enfoncés entre les enflures avaient un regard clair et souriaient avec condescendance.
— Hé ! cette science !… Je suis fatigué… Puis-je me coucher ? demanda-t-il.
— Non ! répondit brièvement le docteur.
— Eh bien, je me coucherai quand tu seras parti !
— Ne le lui permettez pas, mère. Arrangez ses oreillers !… Et surtout, qu’il ne parle pas ! Je vous en prie, cela lui est très nuisible.
Pélaguée hocha la tête. Le médecin s’en alla à petits pas rapides. Iégor jeta la tête en arrière, ferma les yeux et ne fit plus aucun mouvement ; seuls ses doigts remuaient un peu. Les parois blanches de la petite chambre dégageaient un froid sec, une tristesse terne et pâle. La grande fenêtre laissait voir les faîtes ondulés des tilleuls ; dans le feuillage poussiéreux et sombre étincelaient vivement des taches jaunes : les froides prémices de l’automne naissant…
— La mort vient à moi lentement, à regret ! dit Iégor, sans bouger ni ouvrir les yeux. On voit qu’elle a un peu pitié de moi, qui étais un si brave garçon, avec un si bon caractère…
— Tais-toi, Iégor ! supplia la mère, en lui caressant doucement la main.
— Attendez, grand-mère, je vais me taire…
Haletant, il continua en articulant les mots avec un immense effort, et les entrecoupant de longues pauses :
— C’est très bien que vous soyez avec nous, grand-mère… il m’est très agréable de voir votre visage… vos yeux si vigilants… votre naïveté… Je me demande en vous voyant : — Comment finira-t-elle ? Et je suis triste en pensant… que c’est la prison, l’exil, toutes sortes d’abominations qui vous attendent… vous, comme les autres… Vous n’avez pas peur de la prison ?
— Non ! répondit-elle simplement.
— Évidemment !… Et pourtant, la prison… c’est dégoûtant… c’est elle qui m’a tué… À parler franchement, je ne désire pas mourir…
— Peut-être ne mourras-tu pas encore ! eut-elle envie de lui dire ; mais elle se tut et le regarda.
— J’aurais pu travailler encore… pour le bien du