Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/29

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— Pélaguée Nilovna.

— Eh bien, nous avons fait connaissance, maintenant !

— Oui, dit la mère, en soupirant un peu.

Et elle examina la jeune fille avec un sourire.

Le Petit-Russien demanda :

— Il fait froid ?

— Oui, très froid, dans les champs ! Le vent souffle.

Elle avait une voix moelleuse, claire ; sa bouche était petite et ronde, toute sa personne potelée et fraîche. Après avoir enlevé son manteau, elle frotta énergiquement ses joues colorées avec ses petites mains rougies par le froid, en marchant dans la chambre à pas rapides ; les talons de ses bottines faisaient résonner le plancher.

— Elle n’a pas de caoutchouc ! pensa la mère.

— Oui ! dit la jeune fille en traînant les mots, je suis transie, gelée.

— Je vais tout de suite préparer le samovar, tout de suite, fit vivement la mère.

Et elle sortit.

Il lui semblait qu’elle connaissait la jeune fille depuis longtemps et qu’elle l’aimait d’un véritable amour de mère. Elle était contente de la voir ; tout en songeant aux yeux bleus un peu clignotants de son hôte, elle souriait de satisfaction ; elle prêta l’oreille à la conversation.

— Pourquoi êtes-vous triste André ? demanda la jeune fille.

— Comme ça ! répondit le Petit-Russien à mi-voix. La veuve a de bons yeux et je pensais que, peut-être, ceux de ma mère sont pareils… Je pense souvent à ma mère, vous savez… il me semble toujours qu’elle est vivante…

— Vous disiez qu’elle était morte…

— Non, c’est ma mère adoptive… Je parle de ma vraie mère… Je me figure qu’elle demande l’aumône quelque part à Kiev et qu’elle boit de l’eau-de-vie…

— Pourquoi ?

— Comme ça… Et quand elle est ivre, les agents de police la frappent au visage…

— Ah ! le pauvre homme ! pensa la mère en soupirant.