Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/321

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— Hé ! la vie est bizarre !… on rit cinq fois par jour… on pleure tout autant… C’est agréable !… Tu as fini Ignati ? Va dormir !

— Non, je ne veux pas !

— Va dormir, te dis-je !

— Vous êtes bien sévère ! Eh bien, j’y vais ! Merci pour le thé, pour le sucre… pour l’amitié.

Il se coucha sur le lit de la mère et murmura en se grattant la tête :

— Maintenant, tout sentira le goudron chez vous… Vous avez tort !… Vous me gâtez ! Je n’ai pas sommeil… Vous êtes de braves gens… Je n’y comprends plus rien… on se croirait à cent mille kilomètres du village… Comme il a bien parlé à propos du milieu… Au milieu, il y a ceux qui lèchent les mains… des gens qui battent les autres… Diable !…

Et soudain, avec un ronflement sonore, il s’endormit, les sourcils relevés, la bouche entr’ouverte…


XX


Très tard dans la soirée, Ignati se trouvait dans un sous-sol assis en face de Vessoftchikov, et lui disait, en chuchotant :

— Quatre fois, à la fenêtre du milieu…

— Quatre ? répéta le grêlé d’un air soucieux.

— D’abord trois, comme cela…

Et il frappa sur la table avec son doigt replié, en comptant :

— Une, deux, trois ; puis, encore une fois, après un petit instant…

— Je comprends…

— Un paysan à cheveux rouges vous ouvrira ; il vous demandera : — C’est pour la sage-femme ? Vous lui direz : — Oui, de la part du propriétaire ! Rien de plus, il comprendra de quoi il s’agit !

Leurs têtes se rapprochaient ; tous les deux, robustes et grands, ils parlaient en étouffant leur voix ; les bras croisés sur la poitrine, la mère les regardait, debout près de la table. Tous ces signes mystérieux, ces ques-