Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/327

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coquins font de la justice une infâme comédie… Comprenez-vous, le jugement est rendu à Pétersbourg, avant le verdict…

— Laissez cela, Nicolas, dit la mère résolue. Il est inutile de vouloir me consoler ou de m’expliquer quoi que ce soit… Pavel ne fera jamais rien de mal… il ne se tourmentera jamais en vain…

Elle s’arrêta et reprit haleine…

— Pas plus qu’il ne tourmentera inutilement les autres !… Et il m’aime oui ! Vous voyez, il a pensé à moi… Qu’a-t-il écrit : « Consolez-la ! » hein ?

Son cœur battait à grands coups, l’excitation lui faisait un peu tourner la tête.

— Votre fils est une belle âme ! s’écria Nicolas, d’une voix étrangement éclatante. Je l’aime et je l’estime beaucoup !…

— Si nous parlions de Rybine ! proposa la mère.

Elle aurait voulu agir immédiatement, partir, marcher jusqu’à en tomber de fatigue, puis s’endormir satisfaite de sa journée de labeur.

— Oui, en effet ! répondit Nicolas, en continuant à arpenter la pièce. Que faire ?… Il faudrait que Sachenka…

— Elle va venir… Elle vient toujours quand elle sait que j’ai été voir Pavel…

La tête baissée et l’air pensif, Nicolas s’assit sur le canapé à côté de la mère ; il se mordait les lèvres et jouait avec sa barbiche.

— Quel dommage que ma sœur ne soit pas là !… elle se serait occupée de l’évasion de Rybine…

— Si on pouvait l’organiser tout de suite, pendant que Pavel est encore là… il serait si content ! dit la mère.

Elle se tut, puis reprit soudain d’une voix basse et lente :

— Je ne comprends pas… pourquoi refuse-t-il… puisqu’il peut ?

Un coup de sonnette retentit. Nicolas se leva brusquement. La mère et lui se regardèrent.

— C’est Sachenka ! fit le jeune homme, tout bas.

— Comment lui dire ? demanda la mère sur le même ton.

— Oui… c’est difficile !

— Elle me fait pitié…