Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/368

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aider Lioudmila ! Allez-vous-en avant qu’il soit trop tard…

Heureuse à l’idée de coopérer à l’impression du discours de son fils, Pélaguée répondit :

― S’il en est ainsi, je m’en vais… Seulement, ce n’est pas parce que j’ai peur…

Et, à son propre étonnement, elle ajouta, d’une voix basse, mais ferme :

― Maintenant, je n’ai peur de rien… Dieu merci ! Maintenant, je sais déjà…

― À merveille ! s’écria Nicolas, sans la regarder. Ah ! dites-moi où sont mon linge et ma valise ; vous avez tout pris dans vos mains soigneuses, et je suis absolument incapable de retrouver ma propriété personnelle ; je vais me préparer ; les gendarmes seront désagréablement surpris…

Sachenka brûlait des chiffons de papier dans le poêle ; quand ils furent consumés, elle eut soin de mêler leurs cendres, à celles du combustible.

― Partez, Sachenka ! dit Nicolas en lui serrant la main. Au revoir ! N’oubliez pas de m’envoyer des livres, s’il paraît quelque chose de nouveau et d’intéressant… Au revoir, chère camarade… Soyez prudente, surtout…

― Vous pensez rester longtemps en prison ? demanda Sachenka.

― Le diable le sait ! Assez longtemps sans doute… on a différentes choses à me reprocher… Mère, sortez avec Sachenka… Il est plus difficile de suivre deux personnes…

― Bien ! dit la mère. Je m’habille… Elle avait observé Nicolas avec attention, sans découvrir rien d’anormal en lui, sauf la préoccupation qui voilait son bon et doux regard. Il ne témoignait d’aucune émotion. Également attentif pour tous, affectueux et mesuré, toujours calme et solitaire, il menait la même existence mystérieuse au dedans de lui-même et comme en avant des autres. La mère l’aimait ainsi, d’un amour prudent qui semblait douter de lui-même. Et maintenant, elle éprouvait pour Nicolas une pitié indicible, mais elle se dominait, sachant que s’il s’en apercevait, il se troublerait et deviendrait un peu ridicule, comme de coutume ; Pélaguée ne voulait pas le voir sous cet aspect.

Une fois habillée, elle rentra dans la chambre ; Nicolas serrait la main de Sachenka et disait :