Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/375

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On sentait en elle un effort continu, comme si, dans son âme, une corde était tendue.

Le gamin apporta le samovar.

— Serge, voici Pélaguée Vlassov, la mère de l’ouvrier qu’on a condamné hier…

L’enfant s’inclina silencieusement, serra la main de la mère, sortit, rapporta du pain et s’assit à la table. Tout en versant le thé, Lioudmila conseilla à Pélaguée de ne pas rentrer chez elle avant qu’on sût qui la police épiait.

— C’est vous, peut-être… On vous interrogera sûrement…

— Qu’importe ! répliqua Pélaguée. Si on m’arrête, ce ne sera pas un grand malheur ! Seulement, j’aimerais bien que le discours de Pavel fût distribué avant…

— Il est déjà composé. Demain, nous aurons assez d’exemplaires pour la ville et le faubourg… aussi pour le district. Vous connaissez Natacha ?

— Comment donc !

— Eh bien, il faut les lui porter…

L’enfant lisait un journal et semblait ne pas écouter ; mais, parfois, ses yeux se levaient sur le visage de la mère ; quand elle surprenait ce vif regard, elle était agréablement émue. La jeune femme parla de nouveau de Nicolas, sans se lamenter sur son arrestation ; et ce ton sembla tout naturel à la mère. Le temps passait plus vite que les autres jours ; il était près de midi quand le déjeuner prit fin.


XXVIII


Soudain on frappa vivement à la porte. L’enfant se leva et jeta un coup d’œil interrogateur sur la maîtresse du logis.

— Ouvre, Serge ! Qui cela peut-il bien être ?

D’un geste calme, elle plongea la main dans la poche de sa robe et dit à la mère :

— Si ce sont les gendarmes, placez-vous dans ce coin… Et toi, Serge…

— Je sais ! répondit l’enfant à voix basse, et il disparut.